À l’occasion du 12e anniversaire de la loi Dalo, le Comité de suivi national de la loi Dalo tenait sa réunion à la Mairie de Grenoble le 4 mars 2019. Un appel intitulé « Faire valoir les droits des personnes sans-abri » a été lancé par 25 organisations, acteurs du logement et de l’hébergement.
Son objectif est double :
• Lancer une campagne nationale pour accompagner les personnes sans-abri à faire valoir leurs droits lors d’une demande d’hébergement ou de logement (recours DALO).
• Généraliser les Équipes Juridiques Mobiles, à l’image de celle créée à Grenoble, pour aller à la rencontre des personnes sans-abri et les accompagner dans leurs démarches.
Dans son discours, le maire de Grenoble, Eric Piolle, a rappelé : « L’accès au droit et la lutte contre le non recours est une priorité pour la ville de Grenoble. Nous sommes face une situation dramatique en matière de mise en œuvre du droit au logement. Et portant nous subissons une attaque frontale contre le logement social, avec des coupes de crédits mettant les acteurs en difficultés. »
Marie-Arlette Carlotti, présidente du Comité de suivi de la loi Dalo, a présenté le texte de l’appel de Grenoble. Elle souligne : « personne ne choisit de vivre dans la rue. La rue, c’est l’enfer : l’errance, la violence, l’isolement et les regards qui se tournent. » Elle indique « qu’une partie de plus en plus importante de la population n’exprime plus de demande d’hébergement. Sans demande exprimée, ces personnes ne sont plus comptabilisées dans les statistiques publiques et leurs droits ne sont pas respectés. Sans recours au droit, aucune pression ne s’exerce pour que les politiques publiques en matière d’hébergement, de logement et de prévention des situations de rupture, soient enfin proportionnées aux besoins. Une société dans laquelle une partie importante de la population n’a « plus rien à perdre est une société malade. Une société laissant des personnes mourir dans la rue est une société qui accepte la barbarie. »
L’appel de Grenoble : Faire valoir les droits des personnes sans-abri
La déconnexion des prix du marché immobilier avec les revenus des personnes, en particulier dans les grandes villes, empêche un nombre croissant de ménages d’accéder ou de se maintenir dans un logement. Chaque année, des dizaines de milliers de personnes sont jetées à la rue. En 2017, 15 547 ménages ont été expulsés par l’intervention de la police et d’un huissier, du fait principalement d’impayés de loyer ou de congé pour vendre du propriétaire. Près de deux millions de ménages sont sur la liste d’attente pour un logement social.
En 2018, selon le collectif des morts de la rue, 422 personnes sans-abri sont décédées. Face à ces drames humains se jouant sous nos yeux chaque jour, les structures d’hébergement sont totalement saturées.
En 2007, notre pays s’est doté d’une loi ambitieuse instaurant le droit au logement opposable. L’objectif est de basculer d’une logique de moyens mis en œuvre selon l’offre disponible de logements ou d’hébergements, à une logique de résultat : faire accéder à un logement ou un hébergement. L’opposabilité du droit contraint l’État à garantir l’accès effectif au droit à un logement ou à un hébergement. Si cette obligation n’est pas respectée, l’État peut se voir condamné et la personne dédommagée du préjudice subi, jusqu’à son orientation vers un logement ou un hébergement. C’est notamment ce risque de condamnation qui a permis, pour le recours logement, des avancées des politiques aux bénéfices des ménages mal-logés : mobilisation des logements de l’État, de ceux des entreprises à travers Action Logement (loi MOLLE 2009), des collectivités, des bailleurs sociaux pour les ménages reconnus au titre du Dalo logement (Loi égalité et citoyenneté 2017). Depuis 2008, 148 234 ménages reconnus DALO ont accédé à un logement, mais 54 367 sont encore en attente.
En matière de recours Dalo hébergement (DAHO), la situation est absolument dramatique. L’exercice de ce droit est aujourd’hui en danger. Seulement 10 081 recours ont été déposés en 2017, alors que les dernières statistiques de l’INSEE dénombraient plus de 140 000 personnes sans-abri. Une partie de plus en plus importante de ces personnes ne réalise plus de demandes d’accueil en structure d’hébergement. Les raisons de cette absence de recours sont multiples : manque d’information sur les dispositifs existants, certitude d’un refus de leur demande, manque d’accompagnement, inadaptation du parc d’hébergement ne permettant pas toujours le respect de l’intimité et la stabilité nécessaire voire mettant en cause l’unité familiale, peur de la stigmatisation et du contrôle social…
Sans demande exprimée, ces personnes ne sont plus comptabilisées dans les statistiques publiques et leurs droits ne sont pas respectés. Sans recours au droit, aucune pression ne s’exerce pour que les politiques publiques en matière d’hébergement, de logement et de prévention des situations de rupture, soient enfin proportionnées aux besoins.
Rassemblé à Grenoble, le comité de suivi de la loi Dalo, ainsi que l’ensemble des organisations qui le composent, appellent au lancement d’une campagne nationale pour « faire valoir les droits des personnes sans-abri ».
Ils demandent aux services de l’État, garant du DALO, d’allouer aux collectivités, aux bailleurs sociaux et aux militants associatifs les financements nécessaires pour pouvoir proposer un accompagnement à toutes les personnes concernées par le recours DALO, et ce tout au long de la procédure.
Ils demandent à ce que la question de l’accompagnement des publics pour l’accès à leurs droits (information, médiation, soutien et orientation vers des procédures contentieuses) soit clairement inscrite dans les référentiels d’intervention sociale et que les professionnels soient mieux formés sur ces questions. Le comité de suivi de la loi Dalo se tient à leur disposition pour les accompagner dans toutes les actions qui pourront être menées : campagnes d’information, de formation, d’ouverture de permanences d’accueil et d’accès au DALO, etc.
Le comité de suivi se propose d’accompagner les communes ou intercommunalités volontaires afin que soient constituées des équipes juridiques mobiles, à l’image de celle lancée à Grenoble, pour aller à la rencontre des personnes sans-abri, les accompagner dans leurs démarches et faire valoir leur droit dans le cadre du DALO logement ou hébergement, en fonction de leur situation.
Il est urgent de tout mettre en œuvre pour permettre à chacun d’accéder à ses droits comme le prévoit la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dont se réclame notre société, sous peine de voir ceux-ci demeurer lettre morte.
Le premier de ces droits est d’accéder à un logement, conformément à la philosophie du logement d’abord. Une société dans laquelle une partie importante de la population n’a « plus rien à perdre » est une société malade. Une société laissant des personnes mourir dans la rue est une société qui accepte la barbarie.
Organisations signataires de l’appel de Grenoble :
Association des cités du Secours catholique (ACSC) , Collectif les morts de la rue (CMR), Fédération SOLIHA , Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement (FAPIL) , Fédération des Acteurs de la solidarité (FAS) , ATD Quart-monde, Confédération syndicale des familles (CSF) , Action logement (AL) , Union nationale des associations familiales (UNAF) , Association Droit au logement opposable (AssoDALO) , Secours catholique (SC), Fondation Abbé Pierre (FAP) , Droit au logement (DAL) , Croix Rouge, Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) , Conseil économique social et environnemental (CESE) , Association des Maires de France (AMF) , Union sociale de l’habitat (USH) , Confédération générale du logement (CGL) , Médecins du monde (MdM) , Aurore, Union national des CLLAJ-logement autonome des jeunes , Collectif national droit de l’homme Romeurope (CNDHR) , Samu social de Paris.