A la veille de la réunion de la commission mixte paritaire qui doit adopter le projet de loi Elan, le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisée souhaite alerter sur le réel danger que représentent certaines mesures de cette loi. Le projet de loi, tel qu’il va être présenté à la commission, remet en cause plusieurs des fondamentaux qui constituent l’ossature du droit au logement en France et les leviers de sa mise en œuvre.
Le Haut Comité réaffirme que le parc social est un « bien de la nation ».
Financé par un système original reposant sur l’épargne populaire (livret A), il a permis la constitution d’un parc de 4 millions de logements abordables. Encourager la vente de ces logementsà des investisseurs privés relève de la grande braderie et ne peut remplacer un financement public pérenne des bailleurs sociaux. L’argumentation consistant à avancer qu’un logement vendu permettra la construction de 3 autres n’est pas crédible. Comment imaginer la reconstruction de l’offre accessible à tous dans les secteurs les plus attractifs, où la demande est forte et les terrains constructibles peu accessibles aux bailleurs sociaux ?
Le Haut Comité rappelle que les objectifs de répartition de logements sociaux sont indispensables à l’équilibre de nos territoires.
La loi Solidarité et Renouvellement Urbain, qui porte l’objectif de réalisation de 25 % de logements sociaux dans toutes les agglomérations est un pilier de la mise en œuvre de la mixité sociale et du droit au logement. Considérer que les logements sociaux vendus au privé resteront comptabilisés au sein du parc social pendant une durée de 10 ans est une atteinte à l’équilibre de nos territoires. C’est injuste pour les nombreuses communes qui ont respecté la loi que de donner ainsi un satisfecit à ces maires hors-la-loi qui pendant des années ont refusé d’accueillir du logement social.
Le Haut Comité affirme que le logement adapté est un marqueur d’une société inclusive.
Le passage d’un objectif de 100 % de logements adaptés aux personnes en situation de handicap à 90 % de logements « adaptables » et seulement 10 % de logements réellement adaptés constitue une « fausse bonne idée ». Le concept de logement « adaptable », même s’il peut séduire tous ceux qui réclament plus de souplesse normative, ne correspond à aucune réalité de construction. L’adaptation d’un logement aux différents handicaps contraint à prévoir dès sa construction le positionnement des murs porteurs, des réseaux d’eau et d’électricité, etc. Autant d’éléments qui ne peuvent être déplacés simplement. Avec un objectif de 100% de logements neufs adaptés, la France a depuis les années 80 mis la barre à la bonne hauteur pour produire des logements accessibles à tous. Ces dispositions sont celles de la lutte contre les exclusions inscrites dans la Loi comme un « impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques de la nation » ( Art. L.115-1 du CASF). Alors que de nombreuses associations se battent pour que cet impératif soit respecté, revenir aujourd’hui sur ces dispositions constituerait un désaveu de nos valeurs fondamentales.
Le Haut Comité s’oppose à la pénalisation des personnes occupantes illégalement un bâtiment vacant. Suite aux amendements du Sénat, le texte actuel propose d’élargir la notion de violation de domicile, déjà lourdement sanctionnée, pour aller vers une pénalisation de l’occupation de la propriété immobilière d’autrui même vancante.. Alors qu’un arsenal juridique complet est déjà à disposition des propriétaires souhaitant récupérer la jouissance de leur bien, certains parlementaires n’hésitent pas à instrumentaliser des faits divers marginaux pour proposer des textes qui contreviendraient dangereusement aux droits et libertés constitutionnellement garantis, en particulier le droit au logement. Se mettre à l’abri, mettre à l’abri les siens, sa famille, ses enfants, dans un bâtiment vacant, un terrain inoccupé, qui n’est pas le domicile d’autrui, ne doit être considéré comme un délit pénal. Il en va du respect de la dignité humain.
Marie-Arlette Carlotti, présidente du Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées, souligne : « Au fil des années, par les lois de 1990, 1998 ou 2007, 2009 et 2014 la France a poursuivi une politique du logement de progrès à laquelle les différentes majorités politiques ont contribué. Cette politique a parfois fait l’objet de légers reculs, mais jamais l’impression de retour en arrière et de remise en cause profonde, n’a été aussi forte. Ce projet de loi doit être corrigé afin d’éviter la promulgation d’une loi qui remettrait en cause d’une manière aussi fondamentale les piliers de la mise en œuvre du droit au logement. »