Intervention de Marie-Arlette Carlotti au Conseil Municipal de Marseille du 20 décembre 2018.
Monsieur le Maire,
Enfin ! Enfin nous la tenons cette séance du Conseil municipal !
Je regrette cependant que les principaux concernés n’y soient pas associés. Je veux parler des familles des victimes, des sinistrés, des collectifs citoyens qui sont restés devant la porte.
Il est tant de mettre en place un Comité de suivi pour les associer à l’élaboration de nos politiques.
Leur place est ici et pas dehors !
Parce que, quoi que nous décisions aujourd’hui, nous n’en resterons pas là.
Ce qui se joue à Marseille depuis plusieurs semaines, c’est la catastrophe de mal-logement. C’est l’échec patent de votre politique. C’est le « laisser aller » partout dans cette ville, parce que vous avez baissé les bras, démissionné et délégué à vos élus de la majorité, à vos adjoints, alors que vous les savez inefficaces. Incapables d’infléchir une politique qui ne sert pas les Marseillais, en tout cas pas les plus précaires et les familles modestes.
Vous donnez le sentiment qu’ils sont indésirables à Marseille.
Pour de nombreux Marseillais, il y a urgence.
1/Des familles sinistrées, des familles évacuées du jour au lendemain.
Parce que dans vos rangs ce fut « panique à bord », ces familles se retrouvent à l’hôtel, sans droit ni titre.
Dore et déjà, il y a 1600 personnes à reloger dans des conditions dignes et respectueuses. Et l’hôtel n’est pas un logement digne, surtout lorsqu’on devra y passer Noël.
Et Noël c’est dans 5 jours !
A ce jour, vous n’avez pu signer qu’une trentaine de baux.
Vous n’y arrivez pas parce que vous n’avez jamais voulu faire du logement social dans le centre ville ou dans les quartiers huppés de Marseille, comme nous vous le demandons depuis des années.
Nous voulons que la loi SRU s’applique dans chaque arrondissement.
A ces urgences, il faut en ajouter d’autres, celles des personnes qui vivent, encore aujourd’hui, dans un logement frappé d’un arrêté de péril et qu’il faut rapidement éloigner du risque.
Devant votre impuissance à les reloger, alors qu’elles sont prioritaires, elles sont des centaines à être maintenues dans les lieux, contraintes de choisir entre un toit troué ou la rue.
C’est l’insuffisance de logements sociaux aux loyers faibles qui est un frein au relogement des ménages habitant dans des logements insalubres.
Vous savez que Marseille est carencée en PLAI et vous continuez à construire des logements inaccessibles aux familles modestes. Comme si vous vouliez les chasser de Marseille.
Pour répondre au plus vite à ces situations, nous vous demandons d’activer la procédure de réquisition.
Nous avons besoin d’un parc de logements relais permettant de réaliser des opérations tiroirs, dans l’attente d’une solution pérenne.
Selon l’INSEE, la ville de Marseille dispose de 34 000 logements vacants. Même si dans la réalité on en compte beaucoup moins (l’INSEE comptabilise les logements en travaux et entre deux locations), cela nous laisse « du grain à moudre ».
Certes la réquisition n’est pas la seule solution (ex : intermédiation locative) mais elles marquerait votre volonté politique.
Et vous le pouvez, plusieurs procédures sont à votre disposition.
Monsieur le Maire, demander au Préfet d’activer l’ordonnance de 45 pour mettre en œuvre la réquisition.
Faites voter cette décision par ce Conseil municipal. Nous avons déposé un vœu dans ce sens.
2/Et puis, il faudra bien prendre en compte, enfin, le rapport Nicol et ces 100 000 Marseillais qui vivent dans un logement indigne voire insalubre.
Etes-vous prêt à mettre en place (avec l’Etat et les autres collectivités locales) un outil : « l’Observatoire de l’insalubrité » pour poser des diagnostics immeuble par immeuble, fixer des priorités et proposer des solutions adaptées à la situation de chaque famille ?
Ils l’ont bien fait à Paris !
Bertrand Delanoë l’a fait à la suite d’un drame identique au notre.
Et en 3 ans ils ont pu reloger 2000 familles, 10 000 personnes et à 98% dans Paris inta-muros.
Nous ne sommes pas plus stupides que les Parisiens, mais le Maire de Paris a fait preuve de plus de volontarisme que vous.
Nous réclamons un grand plan de relogement avec un objectif : sortir les 100 000 Marseillais de la précarité.
Nous y mettrons peut-être plus de temps, mais c’est possible à condition de commencer tout de suite.
3/Quand à la réhabilitation du quartier Noailles, nous n’accepterons pas (et les riverains encore moins) que le drame du 5 novembre soit l’occasion d’une épuration sociale dans le centre ville par un transfert de population.
C’est pourquoi, il nous faut demander à l’Etat un outil efficace pour agir.
Nous souhaitons une ORCORD-in sur le périmètre de tout le centre ville.
Certes cela voudrait dire que l’Etat a décidé « de reprendre la main ».
Nous exhortons le Ministre du logement d’aller plus loin que « l’accompagnement rapproché » qu’il vous a imposé.
Qu’il fasse preuve de plus de fermeté à votre égard, s’il veut mettre fin à l’incurie.
Lorsque les collectivités locales sont faibles, défaillantes, laxistes ou incompétentes, peu importe le résultat est le même, nous réclamons un Etat fort.
L’ORCOD-in nous parait le bon outil permettant d’exproprier, de racheter des lots, de réhabiliter…
°Pour faire du logement social aux loyers accessibles (cad du PLAI).
°Pour accompagner les propriétaires afin de réaliser des travaux dans leur appartement (monter des dossiers ANAH).
°Et afin qu’après réhabilitation les loyers ne s’envolent, mettre en place l’encadrement et le plafonnement des loyers.
°Et exiger un droit au retour (tel que nous l’avons voté, à notre demande, au précédent Conseil Métropolitain).
Vous annoncez 5 immeubles réoccupés dans la rue d’Aubagne et 20 autres dans l’ensemble du quartier. Nous en prenons acte, mais préférons aux paroles des engagements fermes.
4/Enfin, je me permets de vous interpeller solennellement pour vous demander de mener une lutte sans relâche contre les marchands de sommeil.
Le Ministre du logement se targue de leur avoir déclaré la guerre. Il est vrai que dans la loi ELAN, il y a toute une série de mesures qui les frappent au portefeuille, la seule chose qu’ils comprennent.
Mais on ne peut rien déclencher contre eux – et certainement pas des poursuites judiciaires- s’il n’y a pas au préalable un arrêté de péril.
Seulement voilà, vous n’avez pris que 23 arrêtés l’année dernière et vous en annoncez 85 depuis le 5 novembre. On ne peut pas dire que vous meniez un combat acharné!
De plus, lorsqu’il y a eu arrêtés de péril, certains des ces personnages continuent à toucher les APL parce que la CAF ne fait pas son travail et ne dresse pas les constats de non décence qui permettraient de consigner les sommes.
Je souhaite que nous demandions à la CAF des Bouches-du-Rhône de nous fournir toutes les explications sur ces manquements.
Ce triste constat explique que les marchands de sommeil peuvent continuer à faire leur sale bisness tranquillement.
Que la police de l’habitat n’est pas exercée à Marseille.
Que ces voyous font ce qu’ils veulent et particulièrement du fric sur la misère.
Et que ce laxisme est coupable. Surtout lorsqu’on découvre, au fur et à mesure des investigations de la presse, le noms des responsables : des notables de la ville ou des élus de votre majorité.
Nous vous demandons de les poursuivre sans relâche, de faire accélérer les procédures d’arrêtés de péril, bref de faire respecter la loi.
Nous voulons le retour à l’Etat de droit à Marseille !
Monsieur le Maire, de la part de votre opposition, vous vouliez des propositions.
Vous en avez.
Elles complètent largement les vôtres, mais surtout permettraient « d’attaquer le mal à la racine » pour que cela ne se reproduise plus.
Nous attendons vos réponses.