Intervention de Marie-Arlette Carlotti lors de l’inauguration de la maison relais Claire Lacombe à Marseille le 10 juin.
« Je suis avec vous car il semblerait que l’association Habitat alternatif social (HAS) ait encore frappé en quelque sorte ! Encore innové ! HAS a déjà quelques belles réussites à son actif, comme le projet Marabout.
Cette maison relais doit beaucoup à votre ingéniosité, à votre engagement pour la Solidarité. Mais elle doit aussi à la volonté de Marseille Habitat, de la Fondation Abbé Pierre, de la direction départementale de la cohésion sociale, du théâtre des Bernardines… bref, elle doit à l’intelligence collective qui est la marque de fabrique de l’innovation sociale.
Je veux saluer cette réalisation, et saluer plus généralement votre travail.
Un travail qui repose sur des valeurs auxquelles je suis comme vous extrêmement attachée, des valeurs que j’ai portées haut et fort dans la Conférence de Lutte contre la Pauvreté que j’ai organisée au nom du gouvernement en 2012. Ces valeurs, ce sont celles de la République. La République est un idéal qui a besoin d’être préservé et entretenu.
Cet idéal qui est menacé par les discours de stigmatisation; il est menacé par les discours de défiance ; et il est menacé par notre apathie face à ces discours.
Nous devons trouver la force quotidienne de dire non aux petites et aux grandes injustices.
Celle qui consiste à rendre les personnes démunies responsables de leur dénuement est insupportable. La pauvreté ne se choisit pas !
Celle qui confond les honnêtes gens et les tricheurs est abjecte. La fraude fiscale est bien plus importante que la fraude sociale.
Celle qui veut protéger la fortune et la rente mais vilipender la solidarité est insensée.
Je salue votre travail, car je veux que pour chaque personne en France, la République s’exprime concrètement, dans la vie quotidienne. Je veux que les personnes qui ont des droits en bénéficient réellement. Et c’est ce que vous faites en accompagnant des femmes démunies, des femmes fragilisées vers le droit commun.
Vous faites œuvre de cohésion et nous en avons absolument besoin dans la période délicate que nous traversons.
Cette cohésion n’est possible que si toute la société se met en mouvement. Le politique certes a une responsabilité particulière, évidemment. (Et vous pouvez compter sur moi pour ne pas reculer devant cette responsabilité.)
Mais cela serait insuffisant.
Et c’est là qu’intervient l’innovation sociale. L’innovation sociale, ce sont des acteurs qui, au niveau d’un territoire, se rencontrent, se parlent et imaginent ensemble des formes de solidarité.
L’innovation sociale, c’est aussi une façon de concevoir nos politiques sociales. Une conception qui ne se ferait plus unilatéralement « par le haut », au niveau de l’Etat, mais aussi, « par le bas », avec le concours de l’ensemble des acteurs locaux, institutionnels et associatifs. Et surtout avec les personnes concernées par les politiques publiques elles-mêmes.
Leurs remontées du terrain, permettent, j’en suis certaine, d’améliorer considérablement nos dispositifs, de tenir toujours mieux compte de la réalité des expériences et des parcours de vie.
Il est fondamental de miser sur les capacités des personnes démunies, de miser sur leur autonomie. C’est ce que j’ai fait en associant les personnes démunies à l’élaboration et au suivi du Plan Pauvreté.
C’est ce que vous faites en proposant aux femmes hébergées, à travers le théâtre, de s’exprimer et de créer.
Je sais que d’épreuves pénibles peut surgir le beau ; je sais que d’expériences personnelles, singulières, peut se construire le commun.
Je suis donc très optimiste et très enthousiaste quant à votre initiative.
Une initiative salutaire car vous prenez en compte l’un des nouveaux visages de la pauvreté : celui de femmes mûres qui sont à la rue.
Soutenir les femmes, toutes les femmes, pour lutter contre les inégalités et prévenir les ruptures doit être notre objectif.
Cela passe (entre autres), par le fait de reconnaître la place des femmes dans notre société, et dans notre histoire.
Rien de ce qui se passe à Marseille ne m’est indifférent, vous le savez. Je serai justement amenée prochainement à discuter l’égalité entre les femmes et les hommes dans notre ville. L’une des choses que je dirai est que je veux promouvoir les femmes dans l’espace public. Je veux que nos rues, nos places, nos bâtiments, portent le nom de femmes qui se sont illustrées dans les arts, dans la littérature, dans les sciences, dans la politique.
Si en plus, elles sont marseillaises…
Alors, pour toutes ces raisons, je souhaite beaucoup de succès à la « maison relais » Claire Lacombe.
Je vous remercie. »