Discours de Marie-Arlette Carlotti lors du 70ème anniversaire de l’exécution du groupe Manouchian.
A Marseille, le 22 février 2014
Mesdames, Messieurs,
C’est Marseille qui a vu Missak Manouchian débarquer en France.
Marseille qui a accueilli tant d’Arméniens…
Marseille qui a accueilli tant de destins tragiques, de vies brisées par la folie des hommes.
Leur souvenir est notre conscience.
Connaître leur histoire, c’est nous rapprocher les uns les autres ;
Connaître leur histoire, c’est nous donner rendez-vous quelque part ;
Connaître leur histoire, c’est unir nos cœurs fraternels.
L’histoire du peuple arménien est notre histoire. Nous devons la connaître.
Nous commémorerons l’année prochaine les 70 ans du génocide de 1915, avec le cœur lourd, le cœur triste, mais l’esprit plus affûté, le sentiment plus clair, plus net, d’appartenir à une même communauté : la communauté humaine.
Cette commune appartenance n’empêche pas la revendication fière de nos origines. Nous sommes liés par nos singularités.
Ne nous trompons pas : ceux qui sont du côté de la mémoire sont du côté de la vie.
Ce sont ceux qui nient, et leurs complices, ceux qui oublient, qui cherchent à nous entrainer dans une amnésie mortifère.
Contre cette amnésie, le Président de la République est allé dire à son homologue turc que son pays s’honorerait à reconnaître le génocide arménien.
Contre cette amnésie, la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, a assuré, lors du dîner du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), que le gouvernement travaillait à une sanction juridique de la négation du génocide arménien.
Contre cette amnésie, nous sommes aujourd’hui réunis pour célébrer la mort héroïque de Missak Manouchian et de ses compagnons.
De ceux qui jusqu’au bout ont résisté à l’oppression et à la barbarie.
De ceux qui jusqu’au bout ont gardé les yeux ouverts.
Comme l’écrit Aragon, « la mort n’éblouit pas les yeux des Partisans. »
Parfois, le mort saisit le vif.
Certains cadavres vous mettent face à vos responsabilités, vous interpellent, vous réveillent.
Des visages sont placardés aux murs, affiches infâmes censées jeter l’opprobre et au lieu de ça, ces visages illuminent de leur courage les consciences endormies ou effrayées.
Les mots de Missak Manouchian résonnent encore :
Que les flambeaux de la conscience éclairent nos esprits !
Que le sommeil et la lassitude ne voilent point nos âmes !
A tout moment l’ennemi change de couleur et de forme
Et nous jette sans arrêt dans sa gueule inassouvie.
Les spectres auront toujours des choses à nous dire.
Soyons à l’écoute.