A l’occasion de la manifestation du 9 avril dernier à Marseille, j’ai adressé un message de soutien aux organisateurs et aux manifestants.
« Je m’excuse de ne pouvoir être physiquement à vos côtés, mais j’y suis par conviction, et par amitiés envers les arméniens de Marseille.
Je veux aujourd’hui associer ma colère à la vôtre face aux affrontements meurtriers contre les arméniens au Haut-Karabagh.
Je veux joindre mes cris aux vôtres pour que la France, co-présidente du groupe de Minsk, nous entende et mette toute son autorité pour obtenir le retour au calme. »
Retrouvez aussi la tribune que j’ai signée dans Libération
La France doit agir pour la paix au Haut-Karabagh
Depuis le début du mois, les combats ont repris à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. 30 parlementaires appellent la France à prendre une initiative forte pour la paix au Haut-Karabakh.
Dans la nuit du 1er au 2 avril, après que les hélicoptères, chars, et drones de combats de l’armée azerbaïdjanaise ont été mobilisés pour attaquer les positions arméniennes au Haut-Karabakh, des affrontements violemment meurtriers, comme il n’y en a pas eu depuis la signature du cessez-le-feu, en 1994, ont eu lieu, faisant de nombreuses victimes arméniennes et azerbaïdjanaises sur la frontière transformée en ligne de front. Malgré les appels au calme de la communauté internationale, les combats se sont poursuivis dans une indifférence quasi générale, une fois de plus.
Cela fait plus de vingt ans que, très régulièrement, l’armée azerbaïdjanaise teste la solidité des lignes de défense arménienne, réinvestit la manne pétrolière dans une course délirante à l’armement (le budget de la défense azéri étant supérieur à l’ensemble du budget de l’Arménie) et entretient une rhétorique belliqueuse fondée sur la haine de l’Arménien : en 2012, Bakou obtenait de la Hongrie de Viktor Orbán l’extradition du soldat azerbaïdjanais Ramil Safarov, condamné à la prison à perpétuité pour avoir tué à la hache son homologue arménien lors d’un séminaire de l’Otan à Budapest en 2004, lequel fut immédiatement gracié et élevé au rang de héros national en Azerbaïdjan. Les combats de ces derniers jours ne peuvent être regardés comme le franchissement d’un nouvel échelon de tension entre les deux pays, mais bien comme une première étape dans une escalade vers la reprise de la guerre. Ils minent l’action résolue du groupe de Minsk, mis en place au lendemain de la guerre, qui, pourtant, ne ménage pas ses efforts pour rechercher une issue mutuellement profitable au conflit. Cette situation ne laisse aucune prise aux déclarations de circonstance, forcément inaudibles dans ce contexte.
La France doit prendre une initiative forte pour la paix. Notre pays est une terre d’accueil pour les Arméniens. Nul ne connaît mieux l’effet du sentiment anti-arménien qui se traduit en Turquie par une politique négationniste active du génocide arménien. Il a aussi généré en 1988 des pogroms en Azerbaïdjan dont ont été victimes des milliers d’Arméniens et qui sont à l’origine du mouvement d’autodéfense du Haut-Karabakh. En outre, à l’occasion des combats de ces dernières heures, un couple d’Arméniens nonagénaires, qui n’a pas pu fuir son village pris d’assaut par les troupes azerbaïdjanaises, a été retrouvé assassiné, attestant de manière dramatique que la haine anti-arménienne s’avère toujours aussi intacte au-delà de la frontière. Au cours de ces dernières années qui firent plus de victimes que durant toute la guerre, les réfugiés arméniens sont venus massivement demander l’asile dans notre pays. Compte tenu de son histoire forte qui la lie aux Arméniens, cent ans après le génocide, la France ne peut rester apathique face au risque que des crimes de guerre se déroulent, de nouveau, à l’encontre de populations arméniennes.
La France est, en outre, coprésidente du groupe de Minsk, elle ne peut accepter que son action pour rechercher une issue au conflit soit ruinée par une nouvelle escalade. Elle doit tout d’abord veiller à la mise en place, sous l’égide du groupe de Minsk, d’un mécanisme d’enquête sur les violations du cessez-le-feu. Par ailleurs, même au plus fort de sa domination, lorsque l’armée azérie était en déroute, l’Arménie n’a jamais souhaité étendre son action au-delà d’un périmètre qui garantisse un foyer d’existence pour les populations arméniennes des montagnes du Haut-Karabakh. Si la France veut agir efficacement pour obtenir une solution équilibrée, conforme à ses valeurs, elle doit prendre des positions suffisamment fortes pour dissuader l’Azerbaïdjan de reprendre la guerre.
Alors que le cessez-le-feu obtenu par le groupe de Minsk a d’ores et déjà été mis à mal par la partie azerbaïdjanaise, les autorités françaises doivent signaler que toute poursuite des combats se traduira par une reconnaissance unilatérale de la République du Haut-Karabakh. C’est la condition essentielle pour obtenir un retour au calme et à la «désescalade». C’est aussi une exigence pour que les populations civiles, arméniennes comme azerbaïdjanaises, cessent de subir, de manière inéluctable, les conséquences des vicissitudes des relations turco-russes qui empoisonnent la région et obèrent toute perspective de résolution du conflit. C’est, enfin, une nécessité pour démontrer que le renforcement des relations économiques et commerciales entre Paris et Bakou, constaté ces dernières années, ne s’est pas fait au détriment de la paix et du droit inhérent des peuples à disposer d’eux-mêmes.