Intervention de Marie-Arlette Carlotti, ancienne ministre, députée lors du débat sur la légalisation du cannabis (Court Circuit Place notre dame Dumont 13006 Marseille), le lundi 6 juin 2016
Je remercie Patrick Menucci de m’avoir invité, je le remercie aussi pour avoir pris l’initiative de ce débat.
J’ai volontiers accepté parce que je partage sa position et depuis longtemps.
En effet, je suis favorable à la légalisation contrôlée de la production, de la vente et de l’usage du cannabis et à la création d’une filière sous monopole d’Etat.
Il est très difficile, aujourd’hui en France, d’avoir un débat serein et dépassionné.
Refuser le débat sur le cannabis, c’est fermer les yeux sur la réalité de notre société. Le cannabis étant la substance illégale la plus consommée au monde.
En France, cela concernerait plus 1,2 millions de personnes, les français faisant partie des plus gros consommateurs de cannabis d’Europe. Un jeune sur deux reconnaît avoir déjà consommé.
Pourtant le sujet reste tabou et aujourd’hui plus encore que par le passé. Car on a régressé dans la réflexion.
Je me souviens du gouvernement Jospin (en 2004) où le Ministre de la Santé de l’époque avait entamé une pédagogie et une information des consommateurs. Une position relayée par le Ministre de l’intérieur Daniel Vaillant (pourtant pas soupçonné de laxisme). Puis le Rapport Vaillant de juin 2011 prônait une légalisation contrôlée.
Le rapport Anne-Yvonne Le Daim, Députée socialiste de l’Hérault, de novembre 2014 « Un nouveau Marché régulé » est quant à lui passé totalement sous silence.
Plus récemment, deux ministre ont ouvert une brèche : Vincent Peillon demandant un débat et Marisol Touraine évoquant l’usage médical du cannabis même si son positionnement fut trop timoré et non suivi des faits
Or, on ne fait pas évoluer un pays en instaurant des non-dits, des sujets tabous.
Aujourd’hui la relance de ce vieux serpent de mer repart de Marseille.
Et ce n’est pas pour rien !
A Marseille ce sont souvent des jeunes, des adolescents, le plus souvent des quartiers défavorisés qui tombent sous les balles des trafiquants.
Des milliers de personnes, qui vivent des trafics, sont prêtes à prendre tous les risques ! La criminalisation des consommateurs a développé un trafic souterrain qui brasse plus d’un milliard d’euro par an.
En définitive ce n’est pas le cannabis qui tue mais la prohibition.
Nous hommes et femmes politiques marseillais, avons le devoir de ne pas fermer les yeux et sous le prétexte de la paix sociale, de laisser se développer une économie parallèle qui entraine la criminalité et l’insécurité.
Voilà pourquoi le débat sur la légalisation du cannabis repart de Marseille !
Parce qu’ici plus qu’ailleurs nous constatons, au fil des règlements de compte, que la politique de répression du cannabis que la France mène depuis des années, est un échec. Cette politique n’a pas permis de réduire ni la consommation, ni la délinquance liée à ce trafic.
Force est de constater que la violence, le crime organisé ne perdent pas un pouce de terrain, alors que les autorités policières et judiciaires ne cessent de renforcer leurs moyens dans la lutte contre les trafics.
Puisque la politique de répression du cannabis est un échec, il faut la changer. Elle coute à l’Etat plus de 500 millions d’euro par an.
Si la vente du cannabis était légale elle permettrait non seulement de réduire la délinquance (en régulant la vente de cannabis et en faisant disparaître le marché illégal au profit d’un marché régulé).
Cela permettrait aussi de réduire les risques sanitaires.
A Marseille, par exemple, les produits vendus sont coupés à 90 % avec des substances chimiques ou des substances naturelles mais nocives.
Les pouvoirs publics pourrait également mener une véritable prévention qui permettrait de conscientiser les jeunes en particulier, sur les effets négatifs d’un usage abusif, pour les inciter a un usage responsable.
Il est temps de mettre fin au tabou, d’ouvrir un débat dépassionné sur le cannabis, afin de changer la législation! En procédant par étape comme nous l’avons fait pour la loi sur la Fin de vie.
Dans tous les cas le status quo n’est plus possible.