Marseille souffre de ce que le peuple arménien a subi il y a presque un siècle. Marseille souffre parce que son cœur bat à l’unisson de tous les peuples qui en ont fait leur patrie. L’une de leurs patries. Car Marseille n’est pas jalouse. Elle accueille sans exclusive et sans demander de rompre avec son passé. Au contraire, nos histoires respectives se mêlent pour donner à Marseille toute sa force, toute son originalité, toute sa fierté.
C’est cet esprit cosmopolite et respectueux des origines que j’ai voulu célébrer en annonçant que Marseille serait capitale de la mémoire et du patrimoine en 2015. C’est aussi une manière de refuser l’oubli, de refuser la négation. Ce sera les 100 ans du génocide des Arméniens perpétré par l’empire Ottoman et les 70 ans de la Shoah. Deux tragédies absolues dont nous devons entretenir la mémoire, par égard pour nos aînés exterminés mais aussi par égard pour les générations futures. Nous avons le devoir de les prévenir que l’humanité est capable de se fourvoyer au point de se dissoudre. Nous avons le devoir de les prévenir que la marche du progrès connaît plus que des soubresauts, de véritables effondrements. Nous devons les enjoindre à tracer leur route avec joie et espoir, mais aussi avec mélancolie.
Une mélancolie qui ne s’apitoie pas, une mélancolie qui n’empêche pas l’action, mais qui la guide. Une boussole éthique qui nous nous indique en toute circonstance que le meilleur n’est jamais certain, que de nos mains peuvent jaillir également l’ombre et la lumière.
En ce 24 avril 2013, c’est ce sentiment que j’éprouve : celui que nous pouvons construire de grandes choses, à Marseille et ailleurs, si nous gardons une conscience aigüe de ce dont nous sommes capables.